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En recherchant pour cet article l'histoire de ce tubercule si familier de nos assiettes, je ne m'attendais pas à autant de péripéties pour la "patata"...


Au sommaire :

Une origine sud américaine 

On consomme la pomme de terre depuis le néolithique, et cela fait maintenant 8 000 ans que l'être humain la cultive : les civilisations précolombiennes, au cœur de la cordillère des Andes, dans ce qui est aujourd’hui le Chili et le Pérou, sont les premières à l'avoir plantée.

Le spécimen le plus ancien connu, la Solanum maglia, vieux de 13 000 ans avant J.-C., a été découvert sur le site archéologique de Monte Verde, au sud du Chili.

De l'Amérique du sud à l'Europe 

Il faut attendre l'arrivée des conquistadors et de leurs sanglantes conquêtes pour que la pomme de terre quitte l'Amérique. Les premières descriptions de pommes de terre datent des années 1530. Le conquistador espagnol Pedro de Cieza de León la détaille sous le nom de "papa", dans ses Crónicas del Perú et raconte comment les populations locales la font sécher au soleil et que le tubercule, ou turma de tierra (pour truffe de terre), une fois sec, est nommée "chuno".

Elle débarque donc en Espagne en 1534, sous le nom de patata. Elle se diffuse timidement en Italie où on la nomme taratouffli (petite truffe). De là, elle rejoint le sud de la France et l’Allemagne, ainsi que l’Autriche. Puis, elle passe en Suisse et d’une façon marginale dans l’est de la France. C'est Olivier de Serres (1539-1619), l'un des pères de l'agriculture française qui, au retour d'un voyage en Helvétie, ramena quelques plants de « cartoufle », comme on l'appelait alors. En 1613, la pomme de terre fut même servie à la table du jeune roi Louis XIII qui ne l'apprécia guère. Et, pendant longtemps, ce légume fut cultivé uniquement comme plante ornementale ! Alors qu’elle est cultivée en Angleterre depuis 1585.

La France boude la pomme de terre

L'historien Anthony Rowley rappelle les superstitions qui entouraient cet aliment encore méprisé : "Une des raisons pour laquelle la pomme de terre est très mal accueillie en Europe, comme la tomate, c'est qu'on lui attribue tout un stock d'inconvénients majeurs. D'abord sa ressemblance avec la truffe. Le gascon utilise le même mot, truaut pour la pomme de terre et la truffe. Or la truffe est un champignon terrifiant. Il pousse sous terre, il est sensible aux variations et aux cycles lunaires : c'est-à-dire que c'est un champignon du diable, lié à la mort. Et la pomme de terre, on l'accuse de répandre la peste. Comme ce légume est mal considéré, on le donne à un animal transformateur par excellence, dévalorisé socialement : le cochon."

C’est Antoine Parmentier qui va se charger de nous la faire aimer. Apothicaire aux Armées, il participe à la Guerre de Sept Ans. Blessé et fait prisonnier à Hanovre, il en profite pour étudier la flore de la région. Il s’intéresse en particulier à une plante dont les tubercules sont utilisés dans l’alimentation. Rentré en France, il reprend ses études. Et il obtient, en 1766, le grade d’apothicaire aide-major à Paris à l’Hôtel Royal des Invalides, et en 1772, celui d'apothicaire-major. Cette même année, l’académie de Besançon fonde un prix dont le but est de découvrir de nouveaux végétaux pour l’alimentation humaine. Parmentier concourt et propose la pomme de terre. Il en a déjà cultivé plusieurs variétés. Il en a fait l’examen chimique. Il a constaté qu’elle était comestible et parfaitement sans danger. C’est lui qui, en 1773, remporte le prix de l’académie de Besançon.

Il souhaite en faire un produit de grande consommation. Après la famine de 1785, avec le soutien du roi Louis XVI qui a goûté et aimé la pomme de terre, Parmentier organise une promotion publicitaire de ce légume pour convaincre la population. Il en cultive sur cinquante arpents dans la plaine des Sablons, au village de Neuilly, près de Paris, en obtenant du roi qu'ils soient gardés le jour seulement par des soldats. La nuit, convaincus de la valeur des précieux tubercules, les habitants les dérobent et en assurent ainsi la publicité.

Le couronnement de l'action promotionnelle de Parmentier est le dîner qu'il offre au roi et à la reine en 1785 et au cours duquel ne sont servis que des plats comportant des pommes de terre. La pomme de terre est lancée. Elle va s’inviter à la table de tous les Français.

La famine comme promoteur

La patate est cependant encore loin d'être devenue un produit alimentaire courant. Il faut attendre les grandes famines de 1816, au sortir des guerres napoléoniennes, pour que ce tubercule devienne un élément essentiel de l'alimentation. L'"Année sans été", avec un climat extrêmement perturbé, détruit une grande partie des récoltes d'Europe. Avec un rendement supérieur à d'autres légumes, la pomme de terre devient d'autant plus indispensable qu'elle produit ainsi plus de "nourriture" par unité d'eau que n'importe quelle autre culture vivrière, sans pour autant être très exigeante en termes de qualité de sol et de conditions météorologiques.

Son implantation ne cesse de progresser en France et en Europe, puis dans le monde entier. Son importance est devenue telle, qu'en Irlande vers 1850, une attaque de mildiou provoque la famine et la mort d'un million de personnes puis l'émigration en Amérique d'un million d'autres.

Et maintenant ?

Deux siècles plus tard, la pomme de terre est devenue l'un des aliments les plus consommés au monde, et ce sous de multiples formes.

En 2018, selon la FAO, on la chiffre désormais à 376 millions de tonnes.


Source·s :

www.europe1.fr - Accès à l'article source
www.lespommesdeterre.com - Accès à l'article source
www.futura-sciences.com - Accès à l'article source
www.radiofrance.fr - Accès à l'article source


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Rédacteur
Isabelle JAMIN